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Réflexions sur la maternité - compte-rendu réunion

Réunion du 21 février 2023, de 12h00 à 14h00, à la Maison des associations (Paris 9ème)

 

 

Présents :

  • Chantal Birman
  • Sara Dangréaux
  • Laure Baudiment
  • Ouarda Ferlicot
  • Mahault Decaux
  • Fairouz Nemraoui
  • Julie Billouin

 

 

En préambule, Julie souhaite faire part à Chantal d’un changement de cadre concernant notre groupe de travail : Julie ne faisant plus partie à présent du RPH-Ecole de psychanalyse, ce groupe ne s’y rattache donc plus. Ayant fait connaissance de Chantal lors d’une journée d’étude organisée par cette Ecole, je souhaitais que cela soit clair pour Chantal même si cela ne change rien à l’existence et à la poursuite de ce groupe qui est né à mon initiative, à partir de mon désir. Le lieu de rencontre devra par contre changer (il ne sera plus possible de fait de réserver à la Maison des associations).

 

Nous évoquons pour commencer la question de l’accouchement, qui avait été soulevée lors de notre dernière rencontre et rapidement émerge « la détresse du refoulé ».

 

Je rappelle alors, notamment pour Laure qui rejoint le groupe, que malgré nos professions et lieux de travail différents, nous nous rejoignons tous ensemble sur un point essentiel qui est celui de la prévention.

 

Chantal nous indique que la majorité des grossesses aujourd’hui sont désirées. Mahault tempère : dans le lieu où elle exerce, la grande majorité sont des grossesses « inopinées ». Sara souligne que le désir n’est pas exclu du « inopiné ». En tout cas, toutes les grossesses ne sont pas préparées en amont, prévues, pour les bonnes conditions de la mère et du bébé.

 

Chantal évoque l’avortement et la joie exprimée par les femmes à propos de leur fertilité. Tomber enceinte, même si cela donne suite à un avortement, les rassure quant à leur capacité à (tomber enceinte). C’est aussi culturel. En France, il y a beaucoup d’avortements chez les adolescentes. En Angleterre, il y a beaucoup moins d’avortements.

Joie interdite d’être enceinte ?

 

Chantal évoque les différentes étapes qu’elle repère dans l’acte de procréation jusqu’à la naissance de l’enfant. Au départ, il y a un désir de fusion dans l’acte sexuel puis un rapport sexuel fécondant donnant lieu à une grossesse. Au fur et à mesure de celle-ci, la femme se sent squattée dans son corps. Le point culminant est à la fin de grossesse et c’est de ce sentiment que naît le désir d’accoucher.

 

Chantal reprend le fait qu’auparavant, les grossesses s’annonçaient grâce au mouvement actif du bébé. Maintenant, on voit le mouvement dans l’écran, c’est extracorporel et cela précède d’un à 2 mois l’expérience ressentie du corps de la future mère. Quel impact cela a-t-il ?

Les femmes ne sont pas encore matures maternellement pour recevoir ses émotions-là. Les émotions sont décalées. Cependant, impossible aujourd’hui d’échapper aux techniques.

De même concernant les rendez-vous médicaux au cours de la grossesse, ils sont orientés sur toutes les maladies possibles à détecter. Il n’y a pas un endroit où il n’y a pas d’angoisses. C’est le lieu de la mort, du morbide. Les femmes se retrouvent ensuite à deux, chez elle, avec un maximum d’inquiétudes. N’y a-t-il pas là à réfléchir autrement, un à-côté, pour l’accompagnement d’une grossesse ?

 

Le désir d’accoucher provient aussi d’un désir pour la femme de se retrouver dans son corps. Puis vient l’allaitement : l’organe est partagé, transactionnel, transitionnel ?

Puis l’éducation de l’enfant qui fait osciller fusion et séparation. Chantal nomme tout cela « schizophrénique » et c’est pour elle sur cette base que les femmes vont être asservies. La fameuse charge mentale des femmes : elles ont appris ce dédoublement.

Julie demande alors : cela concerne les femmes ou les mères ? Les mères.

Mais la charge mentale concerne bien des femmes, pas encore devenues mère. Elles peuvent être dans cette position-là tout aussi bien. Position e pouvoir. De jouissance. Il est intéressant de penser alors à ce qui se transmet, ce qui s’observe chez toute femme, de leur mère. Dans l’intrafamilial, la façon d’être mère imprègne la future femme, voire future mère.

La grossesse est en effet une expérience qui illustre comment la femme doit faire avec le fait d’être deux, penser pour deux, faire sa vie tout en étant occupée par ailleurs.

Chantal veut que les femmes aient des espaces pour respirer.

 

Sara : la réponse c’est la psychanalyse personnelle.

Chantal répond que tout le monde a accès à l’accouchement, tout le monde n’a pas accès à la psychanalyse. Comment faire ?

La même durée des congés paternité que celle des congés maternité serait une première option. En France, Chantal estime qu’on laisse les tout-petits trop tôt, à 2 mois et demi.

 

Julie rappelle alors que l’idée est de réfléchir aussi à d’autres propositions que seulement la psychanalyse personnelle. Pour celles qui y vont, nous connaissons les effets. Nous savons ce que la psychanalyse offre ; Julie témoigne d’ailleurs de jeunes mères sur son divan qui témoigne de l’importance de leur psychanalyse dans la construction de leur être femme et de leur devenir mère. Mais l’idée première de ce groupe de travail c’est comment « exporter », proposer, ce que nous savons grâce à la psychanalyse en dehors des 4 murs d’un cabinet de psychanalyse ? De le mettre en lien, de le faire se rencontrer avec celui des sages-femmes, des médecins, des paramédicaux etc. D’ouvrir d’autres lieux qui ne soient pas celui du soin, ou pas seulement. Tel que l’avait proposé Françoise Dolto, le plus exemple que nous avons d’un psychanalyste dans la Cité.

Et Julie rappelle aussi que son désir de construire ce groupe est venu aussi à partir de cette réalité édifiante – taboue – que Chantal nous a fait savoir quant au taux de suicide chez les jeunes mères (2è cause de décès lors de la première année de maternité).

 

Laure demande alors si ces suicides sont des décompensations psychotiques ?

Difficile de le savoir en après-coup… Nous savons par notre clinique par contre que les difficultés voire les dépressions de jeunes mères ne sont pas seulement du registre de la psychose. Le passage du désir au réel, ce n’est pas toujours le pied !

 

Chantal évoque aussi le syndrome du « bébé médicament ». Un bébé qui fait face à une mère dépressive va mettre en place des manifestations pour « réveiller » la mère, par exemple pleurer davantage parce qu’il sent que la mère part en dépression. Comme un moyen de mettre du plus de vie là où il y a moins de vie. C’est un cercle vicieux car la mère ne sait que faire face aux pleurs du bébé et sombre dans la dépression voire dans la violence envers son enfant.

(Réflexion personnelle : D’ailleurs, le passage à l’acte suicidaire ne peut-il pas être entendu comme un retournement contre soi de la violence retenue contre le bébé ? Nous savons à quel point, pour certaines mères, la présence du bébé est insupportable.)

 

Julie évoque les après-coups que lui ont évoqué les dernières réunions, son travail sur la fonction maternelle ainsi que sa formation à la clinique avec les enfants. Il est surprenant de constater, chez certaine dyade mère/enfant, l’impossible séparation (élaboration de séparation) voire même le sentiment pour certaine mère de ne pas avoir vraiment accouché. Le rapport mère/bébé est collé. Dernièrement lors d’une première consultation d’une jeune fille et sa mère, la mère s’empressait de montrer au psychanalyste son ventre pour montrer comment celui-ci était le même que pendant la grossesse. Nous connaissons, grâce à la psychanalyse notamment, la fonction paternelle de castration qui vient fort heureusement faire barrage à la dyade mère-enfant. Mais qu’en est-il de la fonction maternelle ? Même en psychanalyse, peu de choses ont été dites sur la fonction de la mère qui est aussi une fonction de castration, qui opère différemment que celle du père. La mère a une fonction de castration au niveau du corps ; c’est elle qui va permettre d’introduire la castration par rapport au corps de l’enfant en tant que distinct du sien propre. Dolto le disait très bien déjà quand elle disait que c’est la mère à un moment donné qui va dire « le sein, fini, fini téter ». Cette fonction lui revient à elle, le père ne peut pas opérer à ce niveau-là de la même façon, même si sa fonction précieuse est celle d’orienter le désir de la mère ailleurs que sur l’enfant. C’est complémentaire mais non équivalent. L’expérience du corps concerne la mère du fait du vécu de la grossesse et du vécu intra-utérin et dans l’idée de prévention, il est intéressant de réfléchir à comment les mères pourraient être au courant, informées, renseignées quant à cette fonction-là. Les problématiques de castration et de non-séparation sont les motifs de consultations et de souffrances, que ce soit chez l’enfant, chez la mère, ou chez n’importe quel adulte qui vient consulter. Le constat clinique est une indifférenciation du corps, un collage mère/enfant, un traumatisme de la séparation. Dolto insistait largement d’ailleurs sur la nécessité d’accompagner la castration par les mots, par la nomination, par le langage tout simplement. De plus, la psychanalyse n’a pas non plus fait le tour de ce qui se joue dans l’accouchement et même la grossesse. C’est un lieu de déni, d’indicible. A élaborer.

 

Pour Ouarda, la difficulté à vivre a un lien avec un trauma antérieur, avec le retour du refoulé.

 

Mahault évoque le fléau de notre époque et l’absence de présence véritable des parents pour l’enfant, au moment même de la naissance. Les nouveaux parents sont davantage sur leur téléphone à la maternité, avec leurs proches au bout du fil, qu’avec leur nouveau-né ! Que se passe-t-il ?

 

Julie évoque alors les limites claires de notre groupe de travail à garder à l’esprit : il ne s’agit pas de sauver tout le monde ni d’aller chercher chez elles les mères dépressives qui ne veulent pas sortir. La proposition est autre, c’est un ailleurs, un à côté. Comment pouvons-nous exporter le savoir psychanalytique, celui de la clinique avant tout, en dehors des lieux de consultation ? Comment proposer une autre vision du soin et du sujet dans un monde objectivant ? Il s’agit de construire, de créer, d’inventer quelque chose, quelque part.

 

Chantal revient sur sa proposition de séparer le pathologique et le physiologique. Il y a le temps du médecin qui est le temps de l’urgence. Le temps de la sage-femme est celui de l’accompagnement. Tout le système de santé actuel et notamment le système de cotation (T2A), catastrophique, est à revoir (il commence d’ailleurs à être remis en question). Notre ambition n’est pas non plus de transformer tout le système de soin en France. Chantal s’y essaie tout de même dans certaines rencontres (avec des politiques ?) qui montrent peu d’écoute selon elle.

 

D’où l’idée d’ouvrir un lieu autre, décalé de l’hôpital, décalé du médical. Ouarda évoque à nouveau la PMI comme lieu privilégié pour ce faire.

 

Chantal relate ensuite le fait que lorsque les césariennes se faisaient sous anesthésie générale, les mères avaient une angoisse : qu’on échange leur bébé. Elle demandait au père de garder l’enfant et qu’il leur confirme que c’est bien leur bébé, une forme de garant.

Quelle belle fonction-là que celle du père !

Cela rejoint la question du non visible et de l’indicible dans l’expérience des femmes, pour leur grossesse et l’accouchement. Ce n’est pas visible et pourtant un enfant grandit et s’apprête à naître, à l’intérieur d’un corps. Il n’y a pas que le visible qui compte.

Même une fois l’enfant dehors, né, sorti du corps maternel, il n’est pas évident pour la femme de réalisé qu’elle a accouche, et que son enfant est un autre.

 

Nous évoquons la péridurale et la nécessité de la douleur dans cette transition, dans ce devenir mère, dans cette mort à sa génération évoquée par Chantal. La douleur a une fonction dans ce passage. Sinon, c’est la vie avec le bébé qui va opérer ce passage, de façon peut-être plus violente encore s’il y a eu un leurre d’une non-douleur à l’accouchement. Dans certains endroits, il est possible de poser la péridurale avant même la première contraction, ou de demander une césarienne de confort pour ne rien ressentir de douloureux. Quels effets cela a-t-il ?

 

Nous évoquons l’idée des groupes de paroles pour les mères. Chantal l’a déjà expérimenté et cela marche bien (rencontres de mères autour d’un thème). Lieu convivial, en présence de mères et de leurs bébés. Ce ne sont peut-être pas les mères qui se suicideraient qui y vont mais ça aide les mères présentes à aller mieux. Mahault a aussi expérimenté les groupes de paroles pour le deuil périnatal qui marche bin également.

 

Le prochain groupe aura lieu le mardi 18 avril, de 12 à 14h.

Julie Billouin

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