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La résistance du surmoi chez Sigmund Freud

La résistance du surmoi

 

Dans son texte de 1926, Inhibition, symptôme et angoisse, Freud a eu le génie de distinguer la résistance du surmoi du surmoi lui-même. Il fait état de cinq résistances de l’appareil psychique[1], trois du Moi (résistance de transfert, résistance de refoulement, bénéfices secondaires), une du ça qui renvoie à la perlaboration et une du surmoi, la plus tenace dit-il même.

 

Rappelons que le surmoi, dans son fonctionnent normal, est indispensable à la survie psychique de l’être. Le surmoi civilise. La résistance du surmoi, elle, apparaît à partir du moment où un conflit psychique a lieu et elle tyrannise le moi. Elle est responsable de bons nombres de symptômes et autres comportements autodestructeurs puisqu’elle est alimentée par la pulsion de mort.

Cette distinction n’a que trop peu été mise en lumière, les psychanalystes suivant, Lacan lui-même, évoquant le surmoi comme cette instance « obscène et féroce » qui invoque de jouir.

 

« C’est pourquoi le surmoi tel que je l’ai pointé tout à l’heure du Jouis ! est corrélat de la castration, qui est le signe dont se pare l’aveu que la jouissance de l’Autre, du corps de l’Autre, ne se promeut que de l’infinitude. »[2]

 

Il ne s’agit pas du surmoi mais de la résistance et la différence est de taille.

Pourquoi ? Comme nous l’avons vu, le surmoi est l’instance qui prend le relais de la menace de castration et apaise l’ensemble de l’appareil psychique du fait de l’intégration de loi, celle du père symbolique. Il veille au respect de cette Loi et pose les limites indispensables à la vie psychique mais aussi à la vie en société. A partir du moment où la traversée du complexe d’Œdipe-castration a raté, que le moi ne reconnaît pas la castration de l’Autre, le surmoi est inopérant et c’est la résistance du surmoi qui apparait. La résistance du surmoi se nourrit de la libido du surmoi qu’elle draine et qui l’empêche de faire son travail. La fonction de régulation n’est plus assurée et la tyrannie s’abat sur le moi et accable l’être. Elle est la source du besoin de punition que s’inflige l’être. Quel est-il ? Quelle est cette culpabilité ? D’où vient ce besoin de punition féroce ?

Dans Inhibition, symptôme et angoisse, Freud pose la question de ce que redoute le moi du surmoi ? Et Freud de répondre que la punition du surmoi est un prolongement de la peine de castration, le surmoi étant le père devenu impersonnel. Il s’agit bien de l’action de la résistance du surmoi et non pas du surmoi. Ce besoin de punition et la culpabilité que s’inflige l’être a été auparavant décrit par Freud dans « Le problème économique du masochisme ». Il y est directement relié à la jouissance et aux désirs œdipiens qui agissent par voie de régression. C’est ce besoin de punition face à cette culpabilité, qui fait fureur dans la résistance du surmoi. La culpabilité œdipienne indique que la traversée de l’Œdipe n’est pas réglée et que l’être, par son fantasme qui l’emprisonne, continue à jouir de ses désirs œdipiens. Le surmoi ne fait alors pas correctement son office d’héritier de la menace de castration, salvatrice. Et ainsi, la résistance du surmoi prend le relais et tyrannise le moi. La structure du symptôme peut alors être retrouvée grâce à la cure, mais il faudra bien aller plus loin que cela afin de castrer cette résistance du surmoi et faire le deuil du fantasme inconscient.

 

De quoi se nourrit cette résistance du surmoi ? De l’ignorance et de l’aliénation de l’être qui se refuse à reconnaître son désir inconscient et sa castration. Elle s’alimente de l’absence de limite, de coupure, de séparation d’avec mère et père. Elle punit l’être de sa jouissance œdipienne insupportable car l’opération symbolique de la métaphore paternelle, qui doit normalement castrer la pulsion incestueuse, a échoué à un certain niveau.

La résistance du surmoi est féroce mais il est moins féroce que de se confronter à son désir inconscient incestueux ou à la jouissance maternelle. Ainsi, le symptôme, comme la haine, est aussi une recherche de mise à distance de la jouissance maternelle. C’est également l’idée que développe Colette Chiland[3] : le phallus a un rôle défensif par rapport à l’imago maternelle terrifiante par sa toute-puissance.

 

La résistance du surmoi est le corrélat du défaut de castration, pour celui qui s’aliène à ne pas vouloir se considérer comme castré. L’être est de fait déjà castré puisque assujetti à la loi symbolique, simplement il le rejette hors (psychotique), le dénie (pervers) ou s’obstine à le refuser (névrosé).

 

Ainsi en est-il, par exemple, d’une patiente souffrant d’anorexie chez qui la résistance du surmoi la poussera à régresser jusqu’à l’hospitalisation où elle se réduira à l’état de bébé : nourrie par une sonde,  devant réapprendre à marcher, à tenir debout. L’être peut aller jusque là lorsqu’il ne veut pas grandir, car grandir suppose de couper ce lien œdipien. Grandir nécessite la castration.

Le symptôme anorexie est une tentative ratée de déloger le Moi, de s’infliger le manque mais c’est la résistance du surmoi qui fait son œuvre et non pas la castration. Le désir de l’Autre pousse pour se faire entendre à travers le symptôme et l’être doit parvenir à reconnaître ce désir et à passer d’un désir de reconnaissance à la reconnaissance de son désir.

 

Green signale que Freud amène un développement nouveau sur cette question en 1937 lorsqu’il distingue deux formes de résistances à la guérison : la réaction thérapeutique négative du fait d’un sentiment puissant de culpabilité inconscient « qui ne cesse d’exiger la punition, c’est-à-dire la castration »[4] ; et celle où serait en cause une destructivité flottante répartie dans toutes les régions de l’appareil psychique. Selon lui, la première représente le rapport sadique entre le surmoi (ou plutôt la résistance du surmoi) et le masochisme du moi, qui correspond à une destructivité liée. Tandis que la seconde correspond à une destructivité déliée, infiltrant les trois instances. Cette distinction sera confirmée dans l’Abrégé de psychanalyse de 1938[5].

 

[1] Freud, S. (1923). Inhibition, symptôme et angoisse, in Œuvres complètes, vol XVII, Paris, Puf, 1992, p. 274.

[2] Lacan J. Le séminaire, livre XX, Encore. Paris, Ed. du Seuil, 1975, p. 15.

[3] Chiland C. « Castration et féminité », in Le Guen, A., Oppenheimer, A., Perron, R. (dir.), Angoisse et complexe de castration, Monographies de la Revue Française de Psychanalyse, Paris, Puf, 1991.

[4] Green, A. Le complexe de castration. Paris, Puf : Que sais-je ?, 1995, p. 55.

[5] Freud, S. (1938). « Abrégé de psychanalyse », in Œuvres complètes, vol. XX, Paris, Puf, 2010, p. 265-75.

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