/
/
  1. Accueil
  2. Ecrits & Publications
  3. Fiche de lecture de l'oeuvre de S. Freud : Tome XI, Totem et tabou (1913)
Retour

Fiche de lecture de l'oeuvre de S. Freud : Tome XI, Totem et tabou (1913)

Fiche de lecture S. Freud Tome XI

Totem et tabou (1913)



Totem et tabou est un ouvrage de Sigmund Freud, publié en 1913, qui traite, sous la forme de quatre essais successifs, un domaine très large couvrant l’histoire des cultures et des religions, de manière à reconstituer ce qu’on pourrait appeler une genèse de la morale. C'est un réel travail de « croisement » de théories éthnologiques et de données cliniques que nous propose S. Freud.

 

Il s’appuie sur l’observation de tribus primitives rapportée par des anthropologues tels que Frazer ou Wundt, afin de dégager le sens de leur organisation sociale et religieuse, le totémisme, et des règles sacrées qui dirigent leur comportement, le tabou. L’œuvre s’articule en quatre chapitres, dont les trois premiers sont consacrés à l'analyse des comportements qui vont servir de support pour la démonstration de Freud : il s’agit tout d’abord d’une étude du totémisme et de l’exogamie, puis des comportements tabous, enfin de l’utilisation de la magie et de l’animisme.

 

S. Freud s’interroge sur le lien entre l’origine de la culture et la vie sociale des primitifs et, dans une perspective évolutionniste, pose l’hypothèse que  nous avons eu dans une vie antérieure, conscience de la nécessité de respecter des tabous, comme le font la plupart des primitifs. « La conscience morale taboue est sans doute la forme la plus ancienne sous laquelle se présente à nous le phénomène de la conscience morale. ». S. Freud observe en effet que là où il y a totémisme, il y a prohibition de l'inceste et il rapproche cette crainte de l'inceste du primitif à celle du névrosé.



LE MYTHE FREUDIEN

 

Totem et Tabou est un ouvrage d’analyse, ayant volonté d’expliquer les origines de la société, et dont l’analyse est tout entière tendue vers l’exposition et la mise en scène d’un mythe, qui permet d’expliquer cette naissance.Le mythe freudien présente le meurtre du père de la horde primitive. Freud, s'inspirant d'une conviction deDarwin, suppose à l'origine de l'humanité une horde primitive, groupement humain sous l'autorité d'un père tout-puissant qui possède seul l'accès aux femmes. Il présuppose alors que les fils du père, jaloux de ne pouvoir posséder les femmes, se rebellèrent un jour et le tuèrent, pour le manger en un repas totémique (fête durant laquelle ils mangent le cadavre du père). Une fois le festin consommé, le remord se serait emparé des fils rebelles, qui érigèrent en l'honneur du père, et par peur de ses représailles, un totem à son image.
Afin que la situation ne se reproduise pas, et pour ne pas risquer le courroux du père incorporé, les fils établirent des règles, correspondant aux deux tabous principaux : la proscription frappant les femmes appartenant au même totem (inceste) et l'interdiction de tuer le totem (meurtre et parricide).

 

Ainsi S. Freud pose l’hypothèse que le totem est une représentation du père (premier substitut paternel, dieu en est la figure humaine), donc que le totémisme repose sur l’interdiction des deux crimes d’Œdipe : tuer son père et épouser sa mère.Mais de ce fait la jouissance tant attendue des femmes leur devient inaccessible : la mort du père entraîne la prohibition de l'inceste qui se trouve rétrospectivement instituée.

 

Le meurtre a donc un effet paradoxal : contrairement à ce qu’attendaient les fils, la mort du père, au lieu de leur garantir une totale liberté, leur interdit définitivement l'accès à la jouissance des femmes. Cette séparation crée alors un lien social fraternel entre les fils meurtriers. En effet, le fondement du totémisme naît de ce meurtre. Le père bien qu’absent désormais subsiste à travers ses fils qui l’ont dévoré (s’appropriant ainsi chacun une partie de sa force) et l’animal totem permet aux fils de s’identifier à lui à travers cette image du père.

 

Le totem permet également d’assurer le lien entre les frères, trait symbolique, qui lie les fils en tant que membres du clan,  à partir du renoncement commun à la jouissance des prérogatives du père. Pour remplir la place vacante du père, ils créent l’organisation sociale et la reconnaissance mutuelle au sein du clan.

 

Pour Freud, l'ambivalence des sentiments à l’égard du père est la clé du problème : le tabou est le symbole de la tendance répressive, le repas totémique réalise au contraire symboliquement la tendance réprimée. Il me semble en effet que ce texte est un texte majeur pour découvrir la notion d'ambivalence, où deux directions affectives opposées convergent (amour/haine) sur le même objet (le père). La notion du totem quant à elle n'est pas sans rappeler le mécanisme de la phobie dont le le lien établi à la castration (notamment dans le cas du petit hans) éclairé du lien du père ici approfondi.

 

Freud cherche ainsi tout d’abord à démontrer que l’origine du totémisme est confondue avec celle de la culture d’une part, celle de l’exogamie d’autre part (lculture serait donc née sous les auspices du meurtre et de l'inceste). Puis il cherche à démontrer que le complexe d’Œdipe a pour origine un événement historique, le meurtre du père, crime qui marque la naissance de la culture, car le souvenir de cet acte s’est perpétué à travers les ages dans l’inconscient des hommes.

 

De ces observations, et de leur comparaison avec le comportement des patients qu’il traite grâce à la psychanalyse, il tire certaines caractéristiques du psychisme des primitifs, supposé semblable à celui des premiers hommes. Il s’agit en particulier de l’identification du père à l’animal totémique, de l’ambivalence des sentiments à son égard, et enfin de l’importance du complexe d’Œdipe dans l’organisation sociale de ces tribus.

 

Freud tire cette explication de son expérience de psychanalyste. Selon les résultats de la psychanalyse, l’objet des premiers désirs du jeune garçon est de nature incestueuse : il s’agit de sa mère ou de sa sœur. Puis, au fur à mesure qu’il grandit il se sépare de cette inclinaison.

 

En outre, il reste souvent chez les névrosés des traces d’infantilisme psychique. C’est pourquoi la libido incestueuse joue à nouveau un rôle central dans leur vie psychique inconsciente. L'attitude incestueuse à l’égard des parents constitue même le complexe central de la névrose.

 

Freud fait une remarque également très pertinente concernant la toute-puissance des pensées à laquelle croit le primitif mais aussi le névrosé. Cette toute-puissance de la pensée serait inhérente au narcissisme (moi investi comme objet) encore trop présent et à une sexualisation de la pensée.

 

Aussi, « la conscience de culpabilité du névrosé est fondée sur des réalités psychiques, non sur des réalités factuelles . La névrose se caractérise en ceci qu'elle met la réalité psychique au-dessus de la réalité factuelle » (p. 380).

 

L'auteur conclue son ouvrage par une remarque tout à fait intéressante en notant, tout de même, une différence entre le névrosé et le sauvage. Le premier est inhibé dans l'agir et « la pensée est chez lui le substitut de l'acte alors que pour le second, la pensée se transpose en acte, l'acte est pour lui en quelque sorte un substitut de la pensée » (p. 382). Et de conclure alors « au commencement était l'acte ».

Me contacter
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires
Écrire à Julie Billouin
create Me contacter